Brigitte Cachon, directeur de la communication corporate de Crédit Agricole Assurances, premier assureur en France, se confie à Madmagz Com’In sur son réseau social d’entreprise (RSE) lancé début 2014 avec un double objectif : favoriser la transversalité et le partage des connaissances entre l’ensemble des collaborateurs, répartis à travers les différentes entités assurance du groupe. Un an après son lancement, le bilan est positif, mais “le plus dur, c’est de durer”. Agilité et réactivité accompagnent donc le déploiement du RSE de l’entreprise, qui entame cette année un chantier ambitieux mais nécessaire : un plan de convergence des outils digitaux. Témoignage.
Un double objectif : knowledge management et transversalité
Comme bon nombre d’entreprises, Crédit Agricole Assurances s’est jeté à l’eau l’an dernier en lançant son réseau social d’entreprise. Loin de succomber à une tendance, cette décision a été prise avec un objectif bien défini : faciliter le partage des connaissances entre les collaborateurs dans une structure constituée d’une myriade de compagnies d’assurance possédant chacune une gouvernance et une organisation propres. “Auparavant, chacun avait son stockage de documents mais ne pouvait pas le partager avec les autres compagnies”, explique Brigitte Cachon.
Le projet a donc débuté avec la constitution d’un groupe projet transversal, réunissant des responsables de chaque compagnie, pour une phase pilote de six mois sur une population d’environ 200 personnes. Le cahier des charges était précis : “les communautés créées devaient concerner au moins deux entités du groupe”.
« Entrer en contact avec des collaborateurs que l’on ne connaît pas forcément »
Comme dans la plupart des RSE, celui de Crédit Agricole Assurances compte des communautés publiques, privées et secrètes et portent sur des thématiques diverses comme l’innovation, le marketing… Elles présentent également différentes typologies, à savoir que ce sont des groupes de discussion mais également de partage documentaire. “On a développé ce réseau sur Sharepoint 2013, qui a la particularité d’avoir à la fois des fonctionnalités de base documentaire et de conversation comme un réseau social classique”. Les collaborateurs peuvent ainsi lancer une discussion pour rechercher des informations sur un thème particulier, contribuer, apporter des éléments. “C’est vraiment un moyen d’entrer en contact avec des gens que l’on ne connait pas forcément mais qui vont partager un même centre d’intérêt professionnel”, souligne Brigitte Cachon.
“Faire émerger des nouvelles manières de travailler”
Au-delà de la mise en relation de collaborateurs de différentes entités, le RSE place surtout l’information au coeur du dispositif, quels que soient le statut ou la hiérarchie des employés qui y contribuent. “Dans ces communautés, on va rechercher des individus pour ce qu’ils peuvent apporter à la communauté en termes de partage de l’information, pour leurs compétences et leurs contributions et non parce qu’ils sont placés de telle ou telle façon dans l’organisation ». Le réseau social fait ainsi émerger des nouvelles manières de travailler qui ne concernent d’ailleurs pas uniquement les collaborateurs mas également les managers. “Cela incite également les managers à travailler différemment avec leurs équipes”. “Nos objectifs vis-à-vis de ce RSE sont donc des objectifs de conversion d’usages, de croissance : travailler autrement, être plus ouvert, plus transversal et donc plus efficace pour l’organisation”, explique Brigitte Cachon.
Une généralisation du RSE à l’ensemble des salariés boostée par deux événements
L’été dernier, à l’issue de la phase pilote, le groupe a décidé de généraliser le RSE à l’ensemble des salariés, soit une population de 2 500 personnes. Vaste challenge lorsqu’on connait la difficulté à convaincre les réfractaires au changement ou les collaborateurs moins à l’aise avec les outils numériques. Aujourd’hui, formations, ateliers de présentation et démos accompagnent le déploiement de ce nouveau réseau pour “lever les premiers freins”. Mais le meilleur moyen d’inciter les collaborateurs à participer, c’est de les mettre dans le bain et ce sont deux événements qui ont servi de véritables lanceurs.
Le premier événement a été les Jeux Olympiques du Crédit Agricole, ouverts à tous les collaborateurs du groupe, qui réunissent tous les quatre ans près de 4 000 personnes. “Nous avons ouvert une communauté événementielle pour suivre ces olympiades et avons proposé à tous les collaborateurs de CA Assurances de suivre les performances sportives des différentes équipes des assurances en direct sur le RSE, avec les photos, les scores, les arrivées, etc. Ça a été un vrai lanceur et a suscité un usage du RSE assez fort”. Le deuxième événement a été la Fête des Voisins que le groupe célèbre à Paris au mois de juin et qui réunit tous les assurances à l’occasion d’une soirée. “En amont de cet événement, nous avons lancé un concours de selfies ouvert à l’international. Il y avait différentes catégories : le selfie avec le plus grand nombre de personnes, les plus humoristiques… On a eu des contributions de tous les pays et de toutes les régions”, se réjouit Brigitte Cachon. Concrètement, les collaborateurs s’inscrivaient sur le réseau social, signaient la charte, postaient leur photo dans la communauté “Fête des voisins”. “Le jour J, nous avons sélectionné les meilleures photos et procédé à la remise des prix qui a été diffusée en direct sur le réseau social”. Ces deux événements ont permis de lancer l’outil et ensuite de susciter l’intérêt pour un usage plus large, avec la création de communautés plus ‘business’”.
Pas de réseau social sans animation
Une fois le lancement réussi, il faut entretenir la flamme. La phase-pilote de six mois aura permis de tirer les enseignements indispensables au bon fonctionnement de ces communautés. “Pour qu’une communauté marche”, explique Brigitte Cachon, “il faut mettre en place pour chacune d’entre elles un dispositif d’animation, avec un ambassadeur, des animateurs, lesquels sont des relais des informations vis-à-vis d’autres salariés”.
“Lors de la généralisation du dispositif à l’ensemble des employés, nous avons mis en place une gouvernance propre, à savoir un Community Manager central – qui est à la Communication et qui assure la cohérence et le respect des règles de fonctionnement – avec une MOA, à la direction informatique”. Le RSE compte désormais plus de 60 communautés et chacune d’entre elles a un ambassadeur, un pilote et des animateurs chargés de l’animation. Le groupe s’est par ailleurs doté d’une charte de fonctionnement précisant notamment que “chacun se connecte au réseau en son nom, ce qui suscite une autorégulation assez forte”. “Cette charte est signée en ligne à la première connexion et accessible à tout moment sur le réseau”. “En revanche, il n’y a pas de modérateur », précise Brigitte Cachon.
Vers une rationalisation des outils digitaux
“Mais le plus difficile c’est de durer”, concède le directeur communication. “On essaie d’être assez agile dans les premiers mois pour pouvoir tenir. Le RSE ne vit pas tout seul. Il faut donc être vigilant sur les usages. C’est une véritable cours d’apprentissage !”
“Six mois après le lancement du RSE, on s’aperçoit qu’il y a des convaincus et des fidèles”. 250 personnes viennent quotidiennement sur au moins une communauté, principalement grâce au travail d’animation des ambassadeurs. Environ 2 000 collaborateurs y sont allés au moins une fois. “Le bilan est donc plutôt bon, mais aujourd’hui, on stagne un peu”, confie Madame Cachon.
A l’issue du pilote, le groupe a mené une étude de satisfaction qui a mis en lumière une certaine réticence des collaborateurs à se rendre spontanément sur le RSE et surtout un sentiment de confusion. “Les collaborateurs ne savent pas si le réseau social se substitue ou s’ajoute aux autres outils de stockage d’information ni comment gérer les différents outils qui sont à leur disposition”. « Ils ne savent plus où trouver l’information”, explique le directeur communication. “Le RSE a fait émerger une multitude d’usages et on s’aperçoit qu’il y a un véritable besoin d’accompagnement de ces usages”.
Le groupe a donc réalisé une cartographie de l’ensemble des outils digitaux et de stockage disponibles aux salariés. Cette cartographie regroupe une quarantaine d’outils répartis en trois familles selon les usages : l’information (les intranets, le web, le magazine en ligne), la manne documentaire (les serveurs, les différentes bases documentaires des compagnies) et la collaboration (Twitter, Linkedin, la messagerie interne et les différents réseaux sociaux par métier qui existent déjà).
Ce plan de convergence des outils digitaux est le gros chantier entrepris cette année par la Communication du groupe en collaboration avec le responsable digital. Un projet ambitieux mais indispensable à l’heure où l’avènement de nouveaux outils numériques collaboratifs engendrent un sentiment d’infobésité tant chez les collaborateurs que les managers. Il s’agit de créer des réflexes d’usage. “Quels outils privilégier pour la gestion d’équipe ou le lancement d’un événement ou d’un projet ? ». “Aujourd’hui, il faut aller au-delà des outils. Le challenge est d’accompagner les usages”, conclut Brigitte Cachon.